Une vallée de préhistoire
La Charente préhistorique
Depuis plus de 150 ans, les préhistoriens mettent au jour les traces multiples et complexes du passage des hommes dans notre département. Les plus anciennes pourraient remonter à 250 000 ans, avec la présence de communautés d’Homo erectus (ou Homo heidelbergensis), puis d’Hommes de Néandertal, et, à partir de -35 000 ans, d’Homo sapiens.
La carte archéologique comporte ainsi pas moins de 70 gisements préhistoriques dont certains comme ceux de la vallée de Tardoire ou d’autres comme La Quina, le Roc-de-Sers ou la Chaire-à-Calvin, constituent des témoins majeurs de l’histoire des hommes du continent européen.
Quelques notions de géologie
La vallée de la Tardoire entre Montbron et La Rochefoucauld a un positionnement très particulier au niveau géologique. Elle se situe, en effet, à la limite entre les terrains du Massif central (granites et autres du socle cristallin) en amont de Montbron, et les terrains calcaires (sédimentaires, Jurassique) en aval.
Petit affluent de la Charente, la Tardoire prend sa source sur les contreforts occidentaux du Massif central. Entre les deux villes actuelles de La Rochefoucauld et Montbron, cette vallée présente des caractéristiques géologiques, géomorphologiques et topographiques très particulières, constituée d’un réseau karstique et hydrographique complexe avec des pertes et résurgences, que l’on appelle le « Karst de La Rochefoucauld ». Il fascine depuis longtemps les chercheurs et les amateurs, et il continue toujours à faire l’objet d’études multiples et d’explorations géologiques et spéléologiques.
Un tel secteur se prête parfaitement à la formation de réseaux souterrains constitués de galeries et cavités. Et nombre d’entre elles ont été visitées et occupées de fort longue date par les préhistoriques. Mais c’est tout de même un fait assez rare que l’on trouve une telle concentration – pour la région – de sites paléolithiques.
Autour de la commune de Moulins-sur-Tardoire (Vilhonneur), on peut mentionner les gisements célèbres de Montgaudier et Fontéchevade (sur la commune de Montbron), les grottes de La Chaise (Vouthon), Les Pradelles (Marillac-le-Franc).
Mais, c’est à Vilhonneur même que l’on trouve la concentration la plus importante. Sur le territoire de cette petite commune on trouve une vingtaine de sites, répartis sur plusieurs « monticules ». Certains auteurs anciens parlent même des « sept collines » de Vilhonneur. Quand on arrive à Vilhonneur en provenance de l’est, de la petite ville de Saint-Sornin, juste après avoir traversé la Tardoire, se dresse devant nous un promontoir rocheux imposant, du nom de Rochebertier. Dans ce massif karstique se trouvent de nombreuses grottes, dont certaines ont été occupées à différentes époque préhistoriques : Grotte de l’Ammonite, Grotte des Déblais, Grotte du Sureau, et bien sûr Le Placard. Juste derrière Rochebertier se situe le petit massif des Garennes, où se trouvent également de nombreuses cavités : parmi celles-ci, on mentionnera la Grotte de l’Abbé (ou Grotte des Laurines) qui a livré une remarquable industrie magdalénienne sur matières dures animales, mais surtout l’Aven du Charnier où ont été mis au jour des vestiges d’activités humaines (peintures pariétales) datés du Gravettien. Quelques centaines de mètres au sud-est, mais de l’autre côté de la Tardoire, se trouve le massif du Roc plat (plus connu sous le nom de Bois-du-Roc) où se situent quelques gisements préhistoriques bien connus et explorés de longue date : Abri du Bronze, Abri André-Ragout, Abri du Chasseur, Abri des Fadets 1 et 2, Cave Chaude. Enfin, en face et sur l’autre rive, se trouvent deux petits massifs contigüs, Le Pinier/La Robinière avec quelques gisements : La Cave, Grotte du Moulin.
Évolution du paysage dans la vallée de la Tardoire
entre -150 000 et -20 000 ans
Vers -120 000 ans, les Néandertaliens vivent sous un climat très tempéré (période interglaciaire). Les espèces animales qu’ils côtoient dans la vallée de la Tardoire sont principalement le daim, le cheval, le mégalocéros (énorme cervidé). Des restes attribués à cette époque ont été mis au jour dans les grottes de Montgaudier (Grand Porche), de Fontéchevade et de La Chaise (Abri Suard).
Vers -70 000 ans, après une période de froid rigoureux où se rencontraient un petit renne, un grand cheval et l’antilope saïga, les Néandertaliens (La Chaise, Les Pradelles) retrouvent un milieu steppique sous un climat relativement tempéré, où paissent dans la vallée des rennes, des cerfs, des chevaux (petits mais trapus) et de grands bovidés.
Il y a environ – 20 000 ans, les hommes préhistoriques du Paléolithique supérieur (Solutréen) vivent sous un climat très froid et sec. Les températures maximales en été ne sont pas supérieures à 10°C. Le sud-ouest de la France est alors constitué de paysages ouverts, sous forme de toundras et de steppes, où poussent quelques bouleaux, saules et pins. La faune est constituée de troupeaux de rennes, de mammouths, de bisons et d’antilopes saïga.
Historique des recherches
Les recherches préhistoriques dans la vallée de la Tardoire commencent relativement tôt, au milieu du XIXe siècle (dans les années 1850-60), à Montgaudier et à La Chaise. Elles sont le fait principalement de chercheurs étrangers à la région (marquis de Vibraye, abbés Bourgeois et Delaunay), même si quelques savants locaux (Trémeau de Rochebrune père et fils) participent également aux progrès des connaissances.
De la fin des années 1860 à la fin des années 1880, une nouvelle génération de chercheurs s’implique dans la recherche locale : Jean Fermond découvre une vingtaine de gisements préhistoriques dans la vallée, tandis qu’Arthur de Maret fouille la grotte du Placard et Eugène Paignon explore à nouveau Montgaudier.
Après une période de ralentissement de la recherche, cette dernière reprend dans les années 1920-30 avec les fouilles d’André Ragout dans la grotte de l’Ammonite et l’Abri du Chasseur, ou celles de H. Kelley à La Cave.
À partir de 1933, Pierre David engage un projet à long terme (jusqu’en 1963) dans les grottes de La Chaise.
Après la Seconde Guerre mondiale, il va y découvrir les premiers restes néandertaliens. Dans le même temps, Germaine Henri-Martin, fille du célèbre Dr. Henri-Martin, reprend la fouille de la grotte de Fontéchevade. En 1947, elle y découvre quelques restes humains attribués par Henri-V. Vallois à une espèce « présapiens ». Lionel Balout, gendre d’André Ragout, revient à Vilhonneur explorer les gisements du Chasseur et André-Ragout. Il termine ses recherches localement par la fouille de La Cave, de 1965 à 1972.
La grotte du Placard est fouillée de 1958 à 1968, par l’abbé Roche. À partir de la fin des années 1960, les grottes de La Chaise (par André Debénath), de Montgaudier (par Louis Duport), des Pradelles (par Bernard Vandermeersch) font l’objet de nouvelles investigations.
De 1994 à 1998, une équipe franco-américaine entreprend de nouvelles recherches dans la grotte de Fontéchevade. À la même époque, Louis Duport et Jean Clottes travaillent dans la grotte du Placard
(1990-95). Le gisement moustérien des Pradelles est repris par une autre équipe francoaméricaine, de 2001 à 2013.
Enfin, des vestiges préhistoriques datés du Gravettien sont découverts par des spéléologues dans l’Aven du Charnier, en 2005.